J’entends déjà les experts commenter le titre. “Mais comment peut-on opposer management et lean ? C’est indissociable !” et vous avez mille fois raison. Malheureusement, il y a encore beaucoup de malentendus autour du lean six sigma dont le côté technique est utilisé à toutes les sauces, parfois en oubliant ses fondamentaux ou de façon trop dogmatique.
Lorsque j’étais opérationnel, la plupart des améliorations que nous avions faites étaient dans la catégorie des transformations structurelles, c’est-à-dire : changement de système d’informations (WMS, APS, CRM, ERP, décisionnel…), refonte du réseau logistique, construction d’usine, regroupement d’équipes en services partagés, etc… Ces modifications permettent de faire ce que nous appelons “des bonds technologiques” ou des “améliorations par rupture”. Elles sont nécessaires et donnent des résultats sur le moyen ou long terme. La contrepartie est qu’elles demandent une gestion du changement d’autant plus profonde et difficile que la majorité des personnes dont le poste change se voient imposer des choix “venus d’en haut” souvent mal accompagnés par manque de temps ou de compréhension de la profondeur du traumatisme vécu.
Malgré tout, une fois toutes ces ruptures effectuées, une fois tous ces bonds faits et, espérons le, acceptés par toutes les strates de l’entreprise, il faut redonner du sens à nos actions afin de continuer les améliorations nécessaires aux clients et à l’entreprise. A ce stade, comme souvent, on attend beaucoup plus de dynamique et de propositions des équipes à proximité des opérations puisqu’ils vivent les dysfonctionnements et les gâchis au quotidien. Malheureusement, après des années de transformations imposées, cette dynamique n’existe souvent plus ou peu. C’est ici qu’une approche lean entre en jeu car elle permet de redonner du sens au changement, d’outiller l’amélioration continue sur des bases chiffrées et factuelles et surtout de redonner un certain pouvoir au terrain. Alors comment s’y prendre pour déployer une telle approche ?
Tout d’abord, ce que le monde connait du lean : Il faut une douzaine de jours de formation pour devenir green belt puis une vingtaine de jours et quelques projets terrain pour atteindre le sacro-saint statut de black belt. La suite n’est qu’expérience et bon sens… Ces formations supportent les projets d’amélioration par percée (kaizen) qui donnent des résultats plutôt rapides pour la plupart.
Pourtant cette technique ne suffit pas à mettre en place l’excellence opérationnelle au travers de l’amélioration continue. Combien d’entreprises ont formé des black belts mais n’arrivent pas à faire en sorte de mettre en place une dynamique du changement et de l’excellence ? Ces “leaders” ne peuvent traiter que peu de sujets à la fois. Il faut créer une « armée » de « transformeurs innovants » supportés par des référents ou leaders lean.
Un axe prioritaire est de mettre en place ce fameux management lean ou Lean Management . En effet, rien ne sert d’avoir formé des experts si à la fin de l’histoire il ne reste rien dans le management des opérations au quotidien. Le lean, c’est l’affaire de tous, tous les jours. Il faut donc former succinctement tout le monde à l’esprit lean et aux quelques outils de base. L’intouchable comex en premier… puis, descendre progressivement et en cadence dans toutes les couches jusqu’aux managers opérationnels afin de bien diffuser les règles de bases et les réflexes de l’amélioration continue qui seront bien sûr adaptés aux valeurs de l’entreprise (en espérant que le client en fasse partie bien sûr).
Ensuite, il faut alimenter la dynamique, la créativité et l’innovation en combattant les habitudes, les acquis, les certitudes, les luttes de pouvoir, la peur du changement, etc.. car tous ces réflexes de survie ou ces ambitions mal gérées sont des freins à l’amélioration. Cela nous l’atteignons au travers de l’équipe en mettant en place :
– Une culture de la mesure afin savoir d’où on part et ce qu’on gagne,
– Une posture managériale qui encourage la remontée des problèmes et leur résolution en groupe afin de développer des occasions d’apprentissage et des points de rencontre améliorant les pratiques en continu.
Moins de place au « blabla » politique, moins de reporting démultiplié, plus de place au changement en continue, au management visuel et à la preuve par l’action afin de transformer l’entreprise vers le client et l’efficience.
La dernière couche ne s’obtient qu’avec le temps. On infuse doucement et de manière répétée la culture d’entreprise. Alors le client ne peut que revenir au centre des débats soutenu par l’efficience et le travail en équipe efficace. Pour un peu, on arriverait à faire de l’innovation une habitude…